Le rat de ville et le rat des champs

Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D’une façon fort civile,
À des reliefs d’ortolans.

L’histoire se passe, promis-juré, à deux pas de l’école ferneysienne Jean-de-la-Fontaine, au bord d’un ruisseau séparant deux groupes d’immeubles assez dissemblables. Le premier est à droite, aux deux sens du terme. Avec son nom grec un peu m’as-tu-vu, il a été construit voilà quelques années sur un terrain vendu par Pierre-Etienne Duty, maire d’alors et à droite lui aussi. Bon chic bon genre, l’un et l’autre.

Le second groupe d’immeubles avait été bâti naguère, à gauche, par la SEMCODA, une société d’économie mixte basée à Bourg-en-Bresse sous l’aile protectrice du Département de l’Ain. Son site internet fait rêver : « La SEMCODA est un bailleur social responsable et engagé pour accompagner les locataires économiquement modestes à accéder un logement abordable ». Fermes le ban ! Hélas, les immeubles ferneysiens de la SEMCODA, chemin de la Planche-Brûlée, ne font pas rêver du tout. L’entretien est aléatoire et les abords particulièrement bordéliques. Sur le parking, des carcasses de voitures brûlées sous lesquelles repoussent des herbes folles et, bien en évidence, des containers à poubelles sur roulettes, à l’ancienne c’est-à-dire gratuites et ouvertes à tous les vents.

Et les rats dans tout ça ? Vous ne voyez vraiment pas ? Un ruisseau un peu glauque, des poubelles débordant sur le sol et de jolies cachettes de ferraille rouillée pour se protéger des méchants humains. Vous secouez le tout, vous laissez reposer quelques jours et vous voilà propriétaire d’une première brochette de rats qui vous filent entre les pieds et se réfugient, en cas de danger, dans les innombrables trous creusés par leurs soins sur les berges du ruisseau, avant d’en ressortir à la nuit tombée et, pour les plus audacieux, de traverser la route en direction de l’école Jean-de-la-Fontaine où les enfants découvrent ses fables sans en saisir la dimension très actuelle et très ferneysienne.

Cerise sur le gâteau, les riches de l’immeuble de droite sont un peu radins, comme souvent. Ils disposent de poubelles dites incitatives et donc payantes mais préfèrent déposer en vrac leurs sacs de déchets, gratuitement, chez les pauvres de gauche, accentuant encore les conditions favorables à l’alimentation et à la reproduction des gentils rongeurs.

Que voulez-vous ? C’est les rats scélérats et voilà tout.