Dans les jours qui ont précédé la passation de pouvoir à la mairie de Ferney, un document a été anonymement affiché sur le panneau jouxtant la salle du conseil municipal. Ce document, Candide en avait pris connaissance quelques jours plus tôt. Il lui avait été communiqué par une de ces bonnes âmes qui fleurissent en période électorale, faisant feu de tout bois pour abattre l’adversaire. Au besoin en tentant d’instrumentaliser un journal, Ferney-Candide, qui en a vu d’autres en quarante ans et qui, bien sûr, n’était pas tombé dans le panneau, refusant de publier un document relatant des faits prescrits depuis bien longtemps.
Or, voilà-t-il pas que, depuis lors, le même document s’est mis à circuler sous le manteau. L’affaire est devenue publique au point que le nouveau maire y a fait allusion dans son bref discours d’intronisation. Candide se doit donc désormais de livrer quelques informations et, surtout, quelques commentaires. Quel est donc ce document ?
Extrait de l’article du Pays Gessien. L’étiquette manuscrite « 1975 » et le soulignement jaune sont semblables sur les tracs diffusés anonymement et sur le document original obligeamment transmis par notre « honorable » informateur. Heureusement pour lui, Ferney-Candide n’a pas pour habitude de révéler ses sources.
Il s’agit d’un article publié dans le Pays Gessien en mars 1975. Oui, 1975, presque quarante ans ! Sous le titre « Gex : arrestation d’une bande de malfaiteurs », on peut lire que, le 22 février, trois jeunes Ferneysiens ont été pris en flagrant délit de vol de voiture à Genève. Parmi eux, Daniel Raphoz. Il est alors âgé de 19 ans. L’âge des conneries pour bon nombre d’ados, aujourd’hui comme hier. Le journaliste de l’époque fait son boulot en rapportant l’événement mais doit-il citer nommément trois personnes qui ont été arrêtées mais pas jugées ? Chacun se fera sa propre opinion.
Le vrai problème est ailleurs, dans l’amalgame entre ces trois jeunes imbéciles et une « bande de malfaiteurs ». Une bande qui, en fait, se limite à deux personnages considérés comme dangereux, Gérard R. et Serge L. Pour avoir publié avait publié quelques-uns de leurs exploits, Candide avait alors eu le triste privilège de devoir les tenir en respect au bout d’un fusil, une nuit sans lune. Mais quel rapport entre nos trois ados et ces deux malfaiteurs ?
Recevant de la police suisse l’identité des trois petits voleurs de bagnole, les gendarmes français s’était rendus, à Ornex, à ce qu’ils croyaient être le domicile de l’un d’entre eux – et qui ne l’était plus depuis belle lurette. Ils y avaient surpris les deux fameux malfrats en possession de plusieurs armes, dont l’une volée… dans l’étude d’un célèbre notaire ferneysien !
D’un côté, trois ados coupables d’avoir tenté de fracturer une voiture à Genève. De l’autre, deux malfaiteurs patentés, auteurs de nombreux casses dans le Pays de Gex et ailleurs. Pas trop regardant sur ces différences pourtant évidentes, le correspondant du Pays Gessien les met tous dans le même sac. Trente-neuf ans plus tard, en pleine période électorale, une bande de citoyens ferneysiens bien intentionnés ressort l’article d’archives non identifiées, le propage dans la cité et va même en épingler quelques exemplaires à la mairie, devant le bureau du « malfaiteur » Raphoz !
Les auteurs ne sont peut-être pas les mêmes mais ce procédé ressemble étrangement à l’affichage nocturne, dans le hall de l’immeuble abritant un des candidats de la liste Raphoz, d’un tract reprenant un extrait de Ferney-Candide (qui avait à juste titre fait état des errances politiques de ce « petit cou(il)lon ») assorti de cette infamante délation, imprimée en gros caractères : « … et il habite ici ».
Loin de fragiliser son adversaire, cette saloperie nocturne avait créé un sentiment d’empathie, au point – peut-être – d’assurer la victoire de sa liste. La distribution et l’affichage clandestins d’un article remontant à 1975 pourrait bien avoir le même effet.
A la force des mots, on peut combattre des idées mais on n’a pas le droit de salir des hommes.
Le Claude est maintenant a la retraite. Il a fini sa carrière comme fonctionnaire, a côtoyé ambassadeurs, ministres, présidents et a même été, un jour, mis à la disposition d’un roi en visite a Genève (tout le monde ne peut en dire autant…). Chacun devrait balayer devant sa porte et regarder chez soi. Tout ça pour dire que ce n’était pas digne d’une élection. CB
NB: Claude B. est l’une des trois personnes cités dans l’article de 1975 (La Rédaction)