Chaud devant !

Les Ferneysiens ont aimé les travaux du BHNS, ils vont adorer ceux du chauffage à distance.

Résumons. Chaque année, le CERN consomme des millions de kilowatts-heure pour accélérer ses neutrons et autres bosons. Intéressant mais pas très écolo. Par les temps qui courent, le CERN a éprouvé le besoin de se repeindre (un peu) en vert. La solution : utiliser l’eau de refroidissement des accélérateurs pour chauffer le futur (et encore hypothétique) quartier de la ZAC Terrinnov. Et à prix d’amis, en plus.

Aussitôt dit, aussitôt fait, voilà de mahousses tuyaux qui sortent à la queue leu-leu du puits 8 du CERN (derrière Leclerc) et filent à travers champs en direction de la ZAC. Ce ne sont jusque-là que des cultures éventrées, de monticules entassés, des tuyaux jointés et enfouis. Dans la ZAC elle-même, pas de difficultés non plus. Faute de nouveaux bâtiments, les hectares sont en jachère et les tuyaux vont s’y faufiler en toute tranquillité. C’est ensuite que ça va se gâter…

Le projet de Zac étant largement retardé, pour le pas dire compromis, il ne faudrait pas que tout ce tintouin ait été fait pour rien, d’autant que l’installation du réseau va coûter un bras aux contribuables ferneysiens et gessiens. Alors ? Alors il faut de toute urgence trouver de nouveaux clients. Filiale d’EDF chargée de la commercialisation de ce veau d’or, Dalkia démarche, depuis des mois, les propriétaires de maisons et autres syndics d’immeubles pour les inciter à se raccorder à l’eau chaude cernoise. Certains ont d’ores et déjà accepté, d’autres se tâtent encore. Quant à la Ville, elle n’a pas le choix puisque les accords stipulent que les bâtiments publics devront être connectés en priorité. Les tuyaux iront donc jusqu’à la piscine !

Et c’est là que tout se complique. Dans les champs, pas trop de problèmes pour enfouir les divins tuyaux. Mais en ville ? Il va falloir creuser tout un réseau de tranchés à ciel ouvert, qui vont éventrer les jardins, saccager les routes, grignoter les trottoirs. Un chantier gigantesque, que subiront aussi ceux qui n’ont rien demandé ni rien promis. Seule consolation : la déviation, où passe désormais le BHNS, ne sera pas touchée puisque les initiateurs ont accepté de faire passer les tuyaux par un tunnel creusé sous la route.

Pour faire un peu d’écologie ? Certes. Beaucoup d’économies ? Voilà qui reste à voir. Si les tarifs garantis par le CERN sont raisonnables, ce sont les frais de réseau et d’installation qui sont en train d’exploser. Au début, Dalkia promettait que ce chauffage à distance coûterait moitié moins que le chauffage traditionnel. Depuis lors, les propositions de Dalkia prennent l’ascenseur tandis que les prix du gaz ont, eux, tendance à baisser. Ce sera bientôt bonnet blanc et blanc bonnet.

Les heureux bénéficiaires auront-ils au moins la chance de se passer de leurs chaudières individuelles et collectives, si coûteuses en frais d’entretien ? Que Nenni car le CERN ne produit de chaleur que lorsqu’il est en activité, ce qui est loin d’être toujours le cas. Du coup, maisons et immeubles devront conserver leurs chaudières et en assumer l’entretien.

Le CERN est de plus en plus vert et les Ferneysiens le seront aussi, bientôt, mais de rage.